L’administrateur salarié : une voix utile pour une meilleure gouvernance

Publié par Novethic le 28 janvier 2013

Préconisée dans le rapport Gallois, portée par les partenaires sociaux et étudiée par le gouvernement, la présence de salariés au sein des conseils d’administration est en passe d’être obligatoire dans les grandes entreprises françaises. Quels sont les bénéfices attendus ?

Élire deux administrateurs salariés dans toutes les sociétés cotées de plus de 5 000 salariés, préconisait Louis Gallois dans son rapport sur la compétitivité des entreprises, remis au gouvernement en novembre 2012. La proposition, déjà dans les cartons des syndicats depuis longtemps a depuis fait son chemin. Elle est reprise dans le compromis signé le 11 janvier 2013 dans le cadre de la négociation par les partenaires sociaux sur la « sécurisation de l’emploi ». Il y est ainsi prévu que dans les entreprises employant 10 000 personnes dans le monde ou 5 000 en France (environ une centaine), un ou deux postes d’administrateurs avec voix délibérative soient attribués aux salariés.

Certes, on ne sait pas encore la portée exacte de cet accord signé par le patronat mais seulement 3 syndicats (CFDT, CFTC, CGC mais pas FO ni la CGT) et qui doit être transposé dans un projet de loi. Quoi qu’il en soit, l’obligation d’ouvrir les conseils d’administration aux salariés marquerait un tournant dans la gouvernance à la française. Jusqu’à présent, seules les sociétés publiques ou anciennement publiques (Renault, Gaz de France, France Telecom…) comptaient des administrateurs salariés parmi les membres de leurs conseils (voir encadré). D’après l’IFA (Institut français des administrateurs), près de 20 % des entreprises cotées comptent aujourd’hui au moins un administrateur salarié dans leur conseil d’administration. Pourquoi si peu ? « Par crainte qu’ils ne respectent pas la confidentialité des conseils, ne soient pas compétents en ce sens qu’ils n’auraient pas toujours de vision internationale et globale », avance Viviane Neiter, consultante en gouvernance. Pourtant, les bénéfices d’une telle organisation sont réels pour l’entreprise : « le plus souvent, l’administrateur salarié est éclairé, engagé et soucieux de l’avenir à long terme de son entreprise », soutient Daniel Lebègue, président de l’IFA.

Une fine connaissance de l’entreprise

Alain Champigneux, ingénieur chez Renault, a occupé cette fonction sous l’étiquette CFE-CGC pendant 10 ans, jusqu’en novembre dernier. Il témoigne :« la principale différence par rapport aux autres membres, c’est que nous connaissons très bien l’entreprise. En termes de gouvernance, il est dommage de se priver d’une voix interne autre que celles des dirigeants. » C’est aussi un plus par rapport aux administrateurs indépendants qui n’ont qu’un regard extérieur sur la vie de l’entreprise.

Même si les propositions des administrateurs salariés ne sont pas toujours retenues, « leurs avis permettent parfois d’influencer une décision initiale. Toutefois, il est important de savoir jouer le jeu, et admettre que les décisions soient collégiales », prévient  Alain Champigneux. Chez Renault, les quatre administrateurs salariés qui siègent au conseil (19 membres) ont ainsi été écoutés sur certains niveaux de dividendes versés aux actionnaires ou ont pu participer activement aux nouvelles organisations internes, comme celle qui a suivi la fameuse affaire d’espionnage qui a secoué la firme. « J’ai siégé dans plusieurs conseils où il y avait des administrateurs salariés. Ils portent une attention particulière à certains sujets, comme la politique RH, et s’emploient à les introduire dans l’agenda du conseil », confirme ainsi Daniel Lebègue. Ainsi, les administrateurs salariés sont souvent plus attentifs à tous les aspects managériaux, culturels ou sociaux de toutes les grandes opérations des entreprises telles que les fusions, acquisitions, grands investissements, réorganisations…

Cependant, « la présence d’administrateurs salariés est un atout pour l’entreprise seulement si cette dernière croit réellement que cela en est un et fait ce qu’il faut pour que ce soit le cas, c’est à dire amener les syndicats à monter en maturité et en compétence, notamment en droit et en finance » souligne Alain Champigneux. Cela vaut également pour le salarié lui-même : la présence un administrateur salarié trop vindicatif et véhément à tous les débats du conseil est totalement contre-productive. La formation est donc essentielle. Près d’1/4 des effectifs qui suivent une formation ou une certification de l’IFA sont d’ailleurs des salariés.

Un projet de loi pour l’été

Pour l’IFA, la volonté de donner plus de poids aux salariés dans les conseils d’administration est globalement positive. Mais sans attendre la mise en œuvre d’une nouvelle loi que le gouvernement a annoncée pour l’été, «  il est d’abord important de faire appliquer la loi NRE de 2001, qui impose aux entreprises où les salariés détiennent au moins 3 % du capital, d’avoir un représentant des salariés au sein du conseil. Or, cette loi n’est pas appliquée par toutes les entreprises concernées », souligne Daniel Lebègue. Si l’obligation future ne concerne que les grandes entreprises, celle-ci aura au moins le mérite de dessiner les contours d’une nouvelle forme de gouvernance plus représentative de toutes les parties prenantes de l’entreprise. Et incitera peut-être les entreprises de tailles plus modestes à faire de même.

Céline Oziel – © 2013 Novethic – Tous droits réservés

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